Le Programme pour un leadership municipal inclusif (PLMI) visait à renforcer l’influence des femmes dans la gouvernance locale des municipalités tunisiennes. Les activités du projet se sont déroulées entre 2018 et 2022. Cette histoire fait partie d’une série de livrables qui met en lumière les principaux résultats du projet et les contributions des partenaires municipaux canadiens.

Mise en contexte

En Tunisie comme ailleurs dans le monde, les municipalités ont été en première ligne de la réponse à la COVID-19. La pandémie a révélé à quel point les municipalités tunisiennes n’étaient pas prêtes à gérer une crise. Il s’agissait de l’une des premières crises importantes depuis l’adoption en 2018 du nouveau Code des collectivités locales, dont l’effet a été de transférer une partie importante des responsabilités de gestion de crise aux administrations locales. Ces nouvelles responsabilités et la répartition des rôles entre les administrations locales, régionales et nationales manquaient de clarifications. Peu de municipalités disposaient de plans de gestion de crise, de personnel formé, de données précises sur la collectivité ou de mécanismes permettant de communiquer efficacement avec le public.

À l’origine, la gestion de crise ne figurait pas parmi les objectifs du PLMI. En début de pandémie, la FCM a fourni à ses municipalités partenaires, de l’équipement de protection individuelle (EPI), ainsi que la technologie et les conseils nécessaires à la transition vers le travail virtuel. À mesure que la pandémie se poursuivait, il est devenu de plus en plus évident que les femmes étaient touchées de manière disproportionnée : pertes d’emploi, exposition accrue à la violence domestique, mobilité restreinte et responsabilités supplémentaires. L’équipe du PLMI a saisi cette occasion pour aider les municipalités tunisiennes à placer les femmes au cœur de la gestion de crise locale et favoriser une réponse plus inclusive.

Planification inclusive de la gestion de crise

L’équipe du PLMI a voulu développer des outils qui aideraient les municipalités à prévoir et à gérer tout type de crise, et non seulement la pandémie. En adoptant une approche participative, elle a développé le Guide de planification de la gestion inclusive de crise. L’équipe a commencé par recueillir les bonnes pratiques des municipalités tunisiennes et des partenaires municipaux canadiens qui s’occupaient de la pandémie et d’autres urgences. Elle a ensuite mené une série de consultations virtuelles afin de poursuivre l’élaboration et la validation du Guide, en impliquant des représentants des instances gouvernementales nationales et locales, de la société civile et des associations de femmes.

Couverture du Guide de gestion de crise du PLMILe Guide clarifie le cadre juridique et offre des conseils aux municipalités sur les actions à entreprendre durant les trois phases d’une crise (avant, pendant, après). Le Guide intègre le genre et l’inclusion tout au long du processus, en soulignant des actions telles que :

  • Lors de la phase préparatoire, identifier et recenser les groupes vulnérables
  • Assurer la représentation des femmes et des autres groupes au sein de la cellule de gestion de crise
  • Définir une stratégie de communication visant à atteindre les différents groupes cibles (par exemple, les femmes, les personnes âgées, les personnes ayant un handicap, etc.)

Le Guide a été diffusé à l’ensemble des 350 municipalités tunisiennes. Une série de formations virtuelles a été organisée avec les administrations locales, les élus et la société civile. Les partenaires municipaux canadiens ont participé à la formation virtuelle afin de partager leur expérience en matière de gestion de crise.

Daniel Champagne, conseiller municipal à la Ville de Gatineau, au Québec, a apporté à l’équipe tunisienne et aux partenaires un soutien technique sur la gestion inclusive de crise. La ville de Gatineau avait récemment développé son propre guide de gestion de crise. À l’époque des importantes inondations de 2017, aucun guide n’existait et la répartition des rôles entre l’administration et le conseil n’était donc pas claire. Cette situation a créé des difficultés lorsque des décisions importantes ont dû être prises sur la façon d’établir les priorités d’aide. Au lendemain des inondations, la ville a élaboré un guide de gestion de crise attribuant clairement les rôles en fonction des postes. Le guide a été suivi à la lettre lors de la convocation suivante du Centre de gestion de crise.

M. Champagne s’est appuyé sur cette expérience, ainsi que sur la politique d’égalité hommes/femmes de la ville, pour conseiller les partenaires tunisiens sur la gestion inclusive de crise.

« J’ai pris l’expérience de notre guide de gestion de crise, et je l’ai combiné avec notre politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque j’ai présenté la politique de gestion de crise, j’ai souligné le rôle crucial joué par les élus, mais aussi la nécessité d’avoir une représentation équitable au sein des cellules de gestion de crise. »

Le rôle des femmes en temps de crise

En Tunisie, les femmes occupent presque la moitié des sièges dans les conseils municipaux. Cependant, les élues se voient souvent confier des rôles moins influents dans des commissions dotées d’un petit budget, d’un pouvoir décisionnel limité, ou sont placées dans des commissions à vocation exclusivement sociale. Le PLMI a poursuivi son travail visant à accroître l’influence des femmes dans la gouvernance locale en s’assurant qu’elles jouent un rôle important dans la réponse à la COVID-19.

Au niveau local, les municipalités partenaires ont reçu un soutien pour la création d’unités de gestion de crise. Elles ont été encouragées à inclure au moins une femme dans leur cellule de gestion de crise. Mais l’équipe a également reconnu que, pendant la pandémie, les femmes ont été confrontées à des restrictions en matière de mobilité plus importantes que les hommes. La présence de femmes au sein de la cellule de gestion de crise était importante pour pouvoir garantir que les besoins spécifiques des femmes soient pris en compte dans la réponse à la pandémie.

Sénim Ben Abdallah est un expert senior pour le PLMI. Son équipe a également encouragé la participation active des conseillères municipales dans la réponse à la pandémie. Les conseillères des commissions « Femmes et famille » et « Égalité et de l’égalité des chances » ont été chargées de la distribution des équipements de protection individuelle (EPI) aux groupes vulnérables, la priorité étant donnée aux femmes vulnérables. Les conseillères ont trouvé leurs propres moyens de soutenir la communauté. Elles ont aidé à organiser les files d’attente dans les bureaux publics afin de maintenir la distanciation sociale.

« La crise a permis à ces commissions de faire leur travail. La crise a permis aux conseillères de jouer un rôle important et d’être plus visibles avec le soutien du PLMI. »

Au niveau national, des efforts ont été déployés pour renforcer le leadership et la visibilité des femmes dans la réponse aux crises. En collaboration avec le Comité national pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la gestion des affaires locales (CNP-EGAL), une formation en ligne ouverte à tous (FLOT) a été dispensée au début de la pandémie sur la gestion inclusive de crise pour les administrations locales, et en particulier les élues. Le Réseau des femmes élues municipales, créé juste avant la pandémie, leur a permis de jouer un rôle actif et de se faire entendre. En tant que réseau, les conseillères ont plaidé pour la participation des femmes dans la réponse aux crises et dans les unités de gestion de crise. Elles ont également mené des campagnes de sensibilisation et de dénonciation de l’augmentation de la violence domestique dont les femmes étaient victimes pendant le confinement.

Henda Gafsi, experte principale du PLMI, sait comment les femmes tunisiennes ont participé activement à la réponse à la pandémie malgré les restrictions et les risques auxquels elles étaient exposées. Le PLMI a contribué à leur donner de la visibilité. L’équipe a recueilli une série de témoignages vidéo de femmes leaders pour documenter leurs expériences de la gestion de crise, et a travaillé avec le Centre de recherches, d’études et d’informations sur les femmes (CREDIF) pour mener des recherches et consacrer une édition de la revue du CREDIF aux contributions des femmes tunisiennes dans la pandémie et au rôle des administrations locales dans la gestion inclusive de crise.

« Les femmes sont douées pour la gestion de crise, y compris au niveau municipal. Il était important que cela soit souligné. Nous avons constaté que le danger, les urgences et les crises n’ont jamais ralenti les activités des femmes. »

Atteindre les plus vulnérables

Pendant que le guide était en cours d’élaboration, les municipalités partenaires appliquaient déjà des pratiques afin de fournir une réponse inclusive. Les municipalités ont adopté des stratégies de communication ciblées pour atteindre les différents groupes vulnérables. Afin d’atteindre la population analphabète, composée en grande partie de femmes, les conseillères ont mené des actions de sensibilisation directe pour partager oralement des informations sur la COVID-19, les mesures de protection et les vaccins. Les municipalités ont également développé des supports audiovisuels pour communiquer les messages clés.

Elles ont commencé à organiser des réunions communautaires virtuelles en utilisant le matériel informatique mis à leur disposition par le PLMI pour passer au travail à distance. Plusieurs municipalités ont renforcé leur présence en ligne grâce aux médias sociaux et aux sites Web interactifs pour faciliter le partage des vidéos, les réponses aux commentaires et aux questions, et la fourniture de services en ligne.

Une fois la phase d’urgence passée, les municipalités partenaires ont développé une base de données contenant des informations détaillées sur leur population. Elles ont recueilli des données ventilées selon le sexe qui seront accessibles à tous : gouvernements, investisseurs et citoyens. Ces données aideront les acteurs locaux à améliorer leurs services aux citoyens et à identifier les groupes vulnérables au sein de leur collectivité afin que les municipalités soient mieux équipées pour faire face aux crises futures.

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